SES ORIGINES
1er mars 1695, le gouverneur Frontenac concède une quatrième seigneurie sur le bord du Richelieu à François Hertel de la Fresnière, militaire, à la faveur de ses bons et loyaux services à la patrie. Il l’appellera Seigneurie St-François-le-Neuf qui deviendra plus tard Saint-Charles-sur-Richelieu.

DÉVELOPPEMENT DE LA COLONIE

De 1729 à 1810, la colonie se développe très lentement, graduellement et laborieusement. Ce n’est qu’en 1739 que M. Hertel accorda la première concession de terre : à François Hogue et la deuxième à son frère Joseph Hogue. Deux terres de 3 par 25 arpents situées le long du Richelieu et la petite rivière Amyot.

En 1740, lors de la bénédiction de la première église dédiée à St-Charles, il n’y avait qu’une vingtaine de familles établies sur le bord de l’eau… Ce premier sanctuaire de soixante-dix bancs était situé à l’entrée actuelle du cimetière.

En 1800, presque toutes les terres avaient été concédées, mais le village n’existait pas. Il y avait cependant un négociant, un notaire itinérant et trois médecins qui formaient la classe professionnelle.

PÉRIODE GLORIEUSE

Dix seigneurs s’y succédèrent tant bien que mal jusqu’en 1877 : à plusieurs reprises, la seigneurie fut mise « en vente forcée », les seigneurs ayant fait faillite.

Si l’on veut avoir une idée assez juste de Saint-Charles au début du XIXe siècle, il faut remonter à Pierre-Dominique Debartzch, sixième seigneur (1813-1846) qui développa le village, joua un rôle de première importance dans la politique, excita le peuple à la rébellion par les écrits d’un journal à sa dévotion, opéra une volte-face politique en 1836 et devint traître aux yeux des Patriotes. Il est pratiquement inséparable de l’histoire locale pour le meilleur et pour le pire…

Pierre Dominique Debartzch naquit à Saint-Charles, en 1782. Il faillit mourir en bas âge, car en 1784 une épidémie de diphtérie tua 60 enfants dans la seule paroisse de Saint-Charles. En 1800, il commença sa cléricature à Montréal et en 1802, il est un des premiers Canadiens inscrits à l’université Harvard à Boston et sera admis au Barreau en 1806.

En 1809, il est élu avec Louis-Joseph Papineau, représentant du comté de Chambly et plus tard député de Verchères. En 1813, ce lieutenant de milice doit répondre à l’appel aux armes. C’est ainsi que Debartzch et Papineau, ces deux futurs champions du nationalisme québécois, vont combattre sous les drapeaux britanniques. Ils se lieront d’une solide amitié qui durera plus de vingt ans avant de se rompre. En 1814, il devint, à l’âge de trente-deux ans, conseiller législatif du Parlement du Bas-Canada.

PÉRIODE PROSPÈRE

Grand propriétaire, il brasse beaucoup d’affaires et fera de Saint-Charles un bourg considérable. Il mit vraiment le Village Debartzch sur la carte comme centre agricole, commercial et politique, alors qu’avec Papineau, ils jetèrent les bases du parti des Patriotes. C’est grâce aux renseignements publiés dans son journal l’Écho du Pays, dont la première parution eut lieu le 7 mars 1833, que nous pouvons aujourd’hui faire état de l’évolution fulgurante de Saint-Charles.

On y trouvait un grand nombre d’ateliers, de maçons, menuisiers, voituriers, ébéniste, peintres, cordonniers, selliers, tonneliers, boulangers et bouchers. Il y avait une brasserie, une distillerie, une tannerie et on pouvait s’habiller des pieds à la tête : chapelier, bottier, tailleur et même un orfèvre… Au milieu du village se dressait un marché public ouvert tous les samedis de la belle saison et à côté un moulin à carder et un moulin à vapeur à trois moulanges ainsi que six boutiques de forgerons. Quatre fois par semaine, un vaisseau à vapeur y accostait, transportant des passagers et les produits des cultivateurs et des commerçants.
Il y avait aussi deux bonnes écoles primaires pour les garçons et les filles ainsi que l’église terminée en 1823.

PÉRIODE TROUBLE : L’INSURRECTION DE 1837

Avant de se rallier au gouvernement anglais, le Seigneur Debartzch avait maintes fois convoqué chez lui, dans son manoir, des ardents défenseurs des droits et libertés des Canadiens-Français.

Il était secondé par quelques personnages importants de Saint-Charles, dont les instituteurs Siméon Marchesseault et Boucher de Belleville, les sieurs Chicou-Duvert : François, médecin et Louis, notaire ainsi que le curé Blanchet qui n’avait jamais caché sa sympathie pour les Patriotes.

Aux élections de 1834, le Parti Patriote avait emporté 94% des votes ralliant presque toute la population francophone. Pour instruire le peuple, Papineau et ses partisans entreprennent de faire des assemblées publiques à travers la province. Elles eurent lieu surtout dans la région de Montréal.

À l’été de 1836, voyant le ton monter, le seigneur Debartzch se dissocie de Papineau passant ainsi au rang des traîtres. Saint-Charles, au village Debartzch, deviendra le théâtre d’une grande manifestation populaire qui le conduira à la bataille sanglante entre l’armée anglaise et les Patriotes.

FIL DES ÉVÉNEMENTS

23 octobre 1837 : Assemblée des six Comtés dans une prairie, en arrière de la maison du Dr François Chicou-Duvert, foule évaluée à 5 000 personnes survoltées. Cette assemblée activa le feu révolutionnaire.

13 novembre : mandat d’arrestation émis contre Papineau et O’Callaghan qui se cachent à Saint-Marc, Saint-Charles et Saint-Denis.

15 novembre : le seigneur Debarthzch quitte son manoir, se sentant menacé et s’enfuit de Saint-Charles. Une douzaine de Patriotes agressifs saccagèrent les lieux et détruisirent les livres seigneuriaux et terriers.

19 novembre : assemblée aux portes de l’église, organisation pour repousser les Anglais et choix du colonel Thomas Storrow Brown comme commandant du camp.

20 et 21 novembre : Fortification du manoir avec des troncs d’arbres et creusage de meurtrières dans les murs de la vieille maison de pierres.

22 novembre : Le Colonel Gore attaque Saint-Denis et subit la défaite aux mains de Wolfred Nelson et de ses valeureux Patriotes. Papineau fuit à St-Hyacinthe chez sa sœur Mme Dessaulles d’où il repartira vers les États-Unis le même jour, le colonel Wetherall déplace ses troupes vers Saint-Charles s’arrêtant la nuit à Saint-Hilaire pour laisser reposer ses hommes et les chevaux.

Matin du 23 novembre : À St-Charles, fausses alertes et fausses rumeurs feront que, le jour de la bataille, il y aura moins d’une centaine de Patriotes derrière les barricades.

Samedi le 25 novembre : Marche des troupes anglaises vers Saint-Charles. Après avoir essuyé quelques balles de la part des Patriotes et fait quelques blessés, le général Wetherall contre-attaque, tandis que Brown abandonne lâchement les Patriotes à leur sort. Le reste ne fut que combat sanglant dans lequel les Anglais l’emportèrent facilement.

Nuit du 25 novembre au 26 : Wetherall pille l’église avec ses officiers et ses chevaux. Il fait prisonnier, dans la sacristie, 24 patriotes.

Lundi 27 novembre : Les Anglais repartent pour Montréal avec plusieurs prisonniers attachés deux à deux. Après leur départ, 24 Patriotes furent enterrés au cimetière, sans service funèbre, dans une fosse commune. Il y aura en tout 33 Patriotes tués au combat.

15 décembre : Arrestation du curé Blanchet qu’on emprisonna jusqu’au 31 mars.

L’après-guerre laissa un village dévasté, des maisons et des commerces incendiés et une population fragilisée. En 1840, l’Angleterre imposa au Bas-Canada L’UNION avec le Haut-Canada pour former le CANADA-UNI.

Micheline Fournier

Source : Saint-Charles-sur-Richelieu, 1695-1995, album souvenir du 300e anniversaire de la municipalité.