Saint-Denis, d’abord enclavé dans la vaste seigneurie de la Citière qui fut concédée par Champlain à M. de Lauzon, le 15 janvier 1635, est situé sur la rive est de la rivière Richelieu, au centre même d’un triangle géographique dont les sommets sont Montréal, Sorel et Saint-Hyacinthe.

La concession d’un aussi vaste territoire à un seul seigneur étant de nature à entraver le progrès de la colonie, la couronne, vers 1670, corrigea cette erreur initiale et tailla, à même cet immense domaine, vingt-cinq seigneuries.

Le 20 septembre 1694, le gouverneur de la Nouvelle-France, M. de Frontenac, en tira la seigneurie de Saint-Denis, dont le premier seigneur fut Louis de Gannes, sieur de Falaize, né à Buxeuil, en Poitou, en l’an 1666 et venu au Canada, en 1696, en qualité d’enseigne dans les troupes de sa Majesté.

Le 21 mars 1713, Louis de Gannes vendit la seigneurie de Saint-Denis à Jacques Le Picart, sieur de Noray et de Dumesnil, né à Noray, diocèse de Bayeux, en France, en 1663, et venu au pays en 1685, avec l’armée.

Le 12 septembre 1736, la seigneurie passa aux mains de Pierre Claude Pécaudy de Contrecoeur, né au manoir de Contrecoeur, le 28 octobre 1705, de François-Antoine Pécaudy de Contrecoeur et de Jeanne de Saint-Ours.

C’est ce dernier qui par initiative autant que par le courage et la persévérance, fut le véritable fondateur de Saint-Denis, dont les colons, de 1730 à 1740, furent desservis par le curé de Contrecoeur, où ils se rendaient par une route à demi tracée, à travers les grands bois.

En 1740 Saint-Denis fut érigé en mission religieuse dont faisaient partie vingt-deux familles échelonnées le long du Richelieu. Les premiers colons à l’exception d’un seul venu de France étaient Canadiens d’origine et venaient de Sainte-Anne-de-Beaupré, de Beauport, de Charlesbourg, de Sainte-Anne-de-la-Pérade, de Contrecoeur, de Repentigny, de Varennes, de la Rivière-des-Prairies, de Boucherville et de Montréal.

C’est le 9 octobre 1740, jour de la fête de Saint-Denis, que la première chapelle, fort primitive dans sa construction, fut bénite solennellement par M. Chardon. Ce fut là l’un des derniers actes du curé de Contrecoeur sur les rives du Richelieu. De 1740 à 1754, date de la nomination du premier curé résidant, la mission de Saint-Denis fut desservie par le curé de Saint-Charles. Le premier presbytère fut construit en 1753, sur l’emplacement qui se trouve entre le presbytère actuel et le chemin royal.

Premier pesbytère St-DenisLa première chapelle de Saint-Denis fut restaurée en 1758 et servit au culte jusqu’en 1767, alors que fut bénit solennellement un deuxième temple en pierre des champs, qui dura jusqu’en 1791. Le 21 mai 1793, fut bénite la pierre angulaire de l’église actuelle qui fut terminée en 1796.

Dans cette église, on peut admirer six tableaux remarquables achetés en France, en 1817. L’un de ces tableaux est l’oeuvre du célèbre peintre Antoine Coypel qui vécut à Paris, de 1661 à 1722.

Saint-Denis, comme la plupart des paroisses de la Nouvelle-France connut des jours sombres pendant cette longue période de guerre qui commença par la déportation des Acadiens et se termina par la conquête.

Durant l’été de 1755, les exercices de la milice se faisaient à Saint-Denis, dont la seigneurie pouvait fournir quatre-vingts miliciens répartis en trois compagnies fondées en 1736, 1739 et 1745. Le premier contingent de ces miliciens partit de Saint-Denis au printemps de 1756.

À l’automne de la même année, plusieurs soldats du Royal-Roussillon vinrent passer l’hiver à Saint-Denis et, en 1758, la conscription enleva à la paroisse tous les hommes valides de seize à soixante ans. Ce fut le commencement de la misère qui dura plusieurs années.

Après la conclusion de la paix, il restait à relever les ruines accumulées pendant ces six années de guerre; c’est ce à quoi s’employa, sans réserves, la population de cette paroisse.

Peu d’années avant la signature de la paix, il se formait déjà un courant vers Saint-Denis et, le 17 mai 1758, le gouverneur, M. de Vaudreuil, établissait « un bourg dans la seigneurie de Saint-Denis sur un terrain de 2 par 4 arpents; lequel bourg sera borné sur le devant à la rivière Richelieu ». Ainsi, le bourg ne comprenait « alors que l’église et la maison du prêtre, et sur tout le reste du territoire occupé par le village de nos jours, on ne comptait que six maisons ».

En 1770, un recensement du curé constatait treize maisons habitées et, en 1801, le curé, dans un nouveau recensement, pouvait noter que le nombre des habitations était passé, dans l’espace de quarante-trois ans, de sept à soixante-trois. Il y avait donc eu un progrès considérable et Saint-Denis devenait un centre remarquable pour l’époque.

Ce progrès continuera jusqu’à la crise de 1837 qui « fut un coup fatal pour la prospérité de Saint-Denis ».

Notons, en passant, que Saint-Denis reçut de 1767 à 1775 plusieurs Acadiens qui, chassés de leur malheureuse patrie, lors du « grand dérangement », vinrent y établir une colonie acadienne.

En cette année 1775, la campagne entreprise par Montgomery bouleversa les esprits à Saint-Denis, où quelques miliciens se rangèrent du côté des Américains.

Mais cette campagne dura peu de temps, puisque, le 31 décembre de la même année, Montgomery vint ruiner ses espérances sur le rocher de Québec.

Le 18 juin 1812, sous un prétexte futile, la République américaine déclara la guerre à son voisin du nord. Saint-Denis, comme la plupart des paroisses de la vallée du Richelieu, dut appeler sous les armes ses 344 miliciens qui furent répartis en quatre compagnies.

Ces quatre compagnies faisaient partie de la division commandée par le colonel Jean-Baptiste Boucher de la Bruère de Montarville qui, le 12 septembre 1812, écrivit à son lieutenant: « Que tous les miliciens de Saint-Charles soient commandés immédiatement, depuis l’âge de seize à soixante ans, de se tenir prêts pour marcher à la première alarme ».

Quelques jours plus tard un premier détachement quitta Saint-Denis et fut versé dans le cinquième bataillon d’élite commandé par le colonel Patrice Murray. De novembre 1812 à octobre 1813, le quatrième bataillon de milice, commandé par le colonel Jacques Voyer, eut ses quartiers à Saint-Denis, dont la majeure partie des miliciens furent licenciés le 4 juin 1813. Le traité de paix signé à Gand, le 24 décembre 1814 et ratifié à Washington, le 18 février 1815, amena une nouvelle ère de paix dont profita Saint-Denis.

Cette période de progrès fut interrompue une dernière fois par les troubles de 1837 qui, Saint-Denis peut-être plus qu’ailleurs, à cause du fameux tribun Bourdages et du docteur Wolfred Nelson, surexcitèrent les esprits au-delà de toute expression.

Les années 1836 et 1837 furent marquées par de nombreuses assemblées inspirées par Nelson, Brown, Girod et Chénier et, surtout par la bataille du 23 novembre 1837, où les troupes régulières subirent une défaite aux mains des patriotes.

Le 3 décembre suivant, les troupes anglaises entrèrent de nouveau dans le bourg de Saint-Denis, où tout fut pillé. De tous ces événements, il n’est resté à Saint-Denis qu’un triste souvenir et un amer regret.

 

Sources : Sur les routes du Québec, Bureau provincial du touriste, Ministère de la voirie, novembre 1929

À suivre