Mois : février 2021

Belle-Ile en Acadie

Pour tous les Acadiens de la région du Richelieu, la Société d’histoire des Riches-Lieux vous invite à visionner et ce, gratuitement, le film de Phil Comeau primé à plusieurs reprises dans le monde.

Dès le 7 février 2021 dès 14 h 15 heure du Québec, sur le site Eventive, Rendez-vous du cinéma québécois et francophone.

Veuillez suivre les instructions en cliquant sur le lien ci-dessous.

Bon visionnement.

https://watch.eventive.org/rendezvousfrenchfilmfestival/play/6015039e2c27ac0a0dcf69d4

La grange de mon grand-père éventrée

À Saint-Denis-sur-Richelieu

En passant un matin d’automne sur le chemin des Patriotes pour aller à la Société d’histoire, j’aperçois la grange construite par mon grand-père totalement éventrée. Surpris et happé par ce constat, je m’arrête un instant pour reprendre mes esprits. Il y a quelques semaines, sans trop y porter d’attention, j’avais aperçu un nouvel édifice derrière au loin ressemblant à un bâtiment secondaire.

La mémoire anéantie

Mon grand-père Hormidas Charron a acquis cette terre en bordure du Richelieu le 9 mai 1925. Elle appartenait auparavant à son beau-père Hector Lussier depuis 1895. Les années passèrent, mon oncle en devint propriétaire et l’exploita durant plusieurs années. Adolescent, je me rappelle avoir participé à la récolte du foin et à son remisage dans la grange.

Pourquoi avoir démoli cette magnifique grange, un symbole du secteur agricole situé à l’entrée du village? Elle avait pourtant fière allure posée là sur la voie publique avec son implantation oblique. Elle semblait accueillir le passant. Cette manie de ne pas entretenir un bâtiment et de le laisser se détériorer délibérément pendant plusieurs années devient prétexte à sa démolition. Plusieurs municipalités se sont pourtant dotées d’un règlement pour l’entretien des immeubles, mais peu s’y réfère par peur de poursuites et de représailles de la part de certains propriétaires.

Un grand nombre de maisons à valeur patrimoniale exceptionnelle n’ont aucune protection. Comment protéger les bâtiments agricoles pour lesquels peu de gens ont réfléchi à de nouvelles fonctions pour les préserver. Que l’on cesse de me dire qu’elles ne peuvent pas toutes être sauvées. Je me souviens de ma jeunesse passée à Saint-Denis et de ses habitants, fiers de leurs biens, qui passaient beaucoup de temps à les entretenir. Aujourd’hui, effectuer de menus travaux ou même repeindre sa maison nous rebutent.

Un constat déconcertant « Selon le rapport de la vérificatrice générale du Québec[1], le ministère de la Culture et des Communication (MCC) n’assume pas adéquatement ses responsabilités en matière de patrimoine immobilier et n’exerce pas le leadership attendu dans la résolution d’enjeux de sauvegarde qui existent depuis des décennies. »

Ce rapport de la vérificatrice générale du Québec est très critique face au laisser-aller du Ministère. Plusieurs années de négligence pour des biens classés – et pire lorsqu’on en est propriétaire – démontre bien le manque d’intérêt de plusieurs pour notre histoire. Briser la trame urbaine et éviter de bien intégrer un bâtiment n’a aucune importance du moment que l’on développe.

Sauvegarder un bâtiment ancien n’est pas payant; il est beaucoup plus rapide de tout démolir et reconstruire à neuf. Les municipalités l’ont bien compris. C’est une importante source de revenus (60 %) pour elles. Elles ont aussi un grand rôle à jouer dans la protection du patrimoine, mais la plupart avouent ne pas avoir les ressources ni les compétences en la matière. Alors, on émet des permis de démolition sans trop se poser de questions et on évite de consulter les experts et la population.

« La loi sur le patrimoine culturel alloue des pouvoirs importants aux municipalités en termes de protection du patrimoine immobilier. Cependant, elle ne leur alloue aucune obligation légale en la matière. »

Le patrimoine est un bien collectif; il forme un tout. Je ne suis pas contre les constructions contemporaines. Au contraire! Mais l’intégration demeure essentielle. À force de subdiviser les lots, même dans un village, on en vient à créer d’autres problèmes et, par le fait même, nous priver de percées visuelles sur la rivière Richelieu. Cette grange sera revalorisée pour la qualité de son bois et pour son authenticité. Elle finira peut-être dans un salon. Mais l’Histoire, elle, sera oubliée… D’ici quelques années, nous devrons consulter des livres d’histoire afin d’expliquer à nos enfants ce qu’était le milieu agricole et la vie de ceux qui nous ont précédés. L’objectif étant de transmettre comme reflet de son identité aux générations futures.


Deux poids, deux mesures

Un panneau où l’on peut lire Entrez dans l’histoire nous accueille à l’entrée de la municipalité. Mais quelle histoire? Celle que l’on anéantit jour après jour? La municipalité se doit de favoriser la participation citoyenne par la publication d’avis de démolition et la tenue de séances publiques.

Valeur inestimable et irremplaçable

Comme le patrimoine bâti est souvent menacé à Saint-Denis, nous devons redoubler de vigilance. Pensons à la mairie (l’ancien magasin général Vézina) menacé de démolition en 2015. La maison Vézina sur la rue Yamaska, démolie en 2018 et remplacée par un stationnement. Ou encore, le 111 de la rue Sainte-Catherine rasée en 2017, substitué aujourd’hui par un terrain vague sous prétexte d’aérer l’espace. Sans compter la maison de ma tante datant du 19e siècle et détruite en 2018 en l’espace de quelques heures. Rappelons que l’action se situe dans l’un des « Plus beaux villages du Québec ».

Souhaitons une prise de conscience collective et une plus grande sensibilisation de tous. Et davantage de transparence en matière de sauvegarde et de patrimoine. Soyons proactif et n’oublions pas que le patrimoine n’est pas une richesse renouvelable.

Luc Charron

16 novembre 2020

[1] Rapport de la vérificatrice générale : https://www.vgq.qc.ca/fr/publications/16

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